« Une chance inouïe d’être au début de l’histoire »   

Dans trois jours s’élancera de Brest l’Arkea Ultim Challenge. La première édition du tour du monde en course et en solitaire des ULTIM est l’évènement de ce début d’année 2024, un millésime si riche sur le plan sportif et vélique. Sur les pontons de la cité du Ponant, quai du commandant Malbert, où l’on peut habituellement apercevoir la Recouvrance ou l’Abeille Bourbon, l’ambiance est à la fête avec cinq des six grands multicoques volants qui sont amarrés depuis vendredi dernier. Seul manque à l’appel le géant de Tom Laperche, victime d’une avarie de bras à l’issue de la Transat Jacques Vabre et remis à l’eau ce jeudi à Concarneau. Il est attendu à Brest samedi, à la veille du grand départ du dimanche 13h30.     

Ce tour du monde seul à la barre, Charles Caudrelier en rêve et l’espère depuis de très longues années.

À l’issue de sa victoire sur la Solitaire du Figaro en 2004, comme beaucoup de ses adversaires, le marin n’a d’yeux que pour le Vendée Globe. Mais malgré son immense talent, les portes ne s’ouvriront jamais pour concrétiser ses ambitions d’aventure planétaire. Pour autant, ses pairs ne s’y trompent pas et il devient un équipier de premier choix. Les projets s’enchaînent et le conduisent immanquablement sur toutes les mers du globe. Les victoires sont au rendez-vous notamment lors de la Transat Jacques Vabre 2009 aux côtés de Marc Guillemot en Imoca, la Volvo Ocean Race 2012 dans l’équipage de Franck Cammas. Cette dernière le propulsera à la tête de son propre projet avec l’équipe chinoise du Dongfeng Race Team. En 2018, après deux campagnes consécutives et deux nouveaux tours du monde en équipage, Charles accroche une nouvelle étoile de la Volvo Ocean Race à son maillot, la plus belle.

Son arrivée en binôme avec Franck Cammas à la barre du Maxi Edmond de Rothschild marque un nouveau tournant dans sa carrière au profil atypique. Ensemble, durant trois ans, ils gagneront toutes les courses auxquelles ils participeront : Brest Atlantiques, Rolex Fastnet Race, Transat Jacques Vabre… Mais le contrat de départ est clair. Les deux marins se sont mis d’accord sur les termes. Les courses en solitaire et notamment la Route du Rhum sont pour Charles. C’est la course qui lui a donné envie de devenir coureur au large et il se donnera toutes les chances pour accéder à ce graal qu’il a depuis toujours dans un coin de sa tête. Le 16 novembre 2022, après 6 jours 19 heures 47 minutes 25 secondes, le skipper du Maxi Edmond de Rothschild est sacré dans la fin de nuit guadeloupéenne. À son arrivée, il confiait que cette première grande victoire en solitaire et en multicoque était d’autant plus belle qu’elle s’était fait attendre dans sa carrière.     

Dimanche, à 49 ans, Charles Caudrelier sera enfin au départ de son premier tour du monde en solitaire et selon ses dires à la barre du plus beau des multicoques !     

Charles Caudrelier, interview premières fois     

Ta première course en solitaire 
« C’est la Twenty’s Cup ! Je devais avoir 18 ans et c’est ma première course en solitaire. La première fois que je barrais un bateau en course tout court d’ailleurs car précédemment j’avais plutôt été équipier. Ça avait tout de suite bien marché en solitaire. J’avais été en finale. Et cette première expérience m’avait convaincu que j’étais fait pour le solitaire, pour cet exercice un peu particulier. Ça a été important pour mes choix par la suite. »   

Ta première victoire en solitaire 
« J’avais gagné une étape sur la Twenty’s Cup ! Mais je dirais que d’un point de vue plus marquant pour ma carrière c’était une victoire d’étape sur la Solitaire du Figaro à Gijon en Espagne en 2002 et bien sûr au classement final de l’épreuve en 2004. J’avais 30 ans c’était ma 5e participation à la Solitaire et ce sont des souvenirs incroyables. »   

Ton premier tour du monde 
« Avec Groupama sur la Volvo Ocean Race 2011-2012. Je changeais complètement de registre avec une très longue navigation en équipage. Avant de partir je me rappelle que mon appréhension n’était pas de faire le Tour du Monde mais de faire une course aussi longue – 9 mois – avec des étapes qui s’enchaînaient autant. C’est le rythme très soutenu de la course qui m’inquiétait… et ça a été très dur (rires). Cette Volvo – même si j’ai adoré l’aventure – m’a vraiment confirmé que j’étais fait pour le solitaire. Au début d’ailleurs je n’étais pas à l’aise et je m’ennuyais un peu car j’avais du mal à me concentrer uniquement sur une tâche et un rôle précis. Jusqu’au moment où je me rends compte que mon job c’était de faire le mieux possible ma tâche mais pas d’être partout. C’était contre-nature mais très enrichissant de passer par là. J’étais câblé solitaire avant cette course. Du coup au retour, j’avais pris l’habitude de mener les bateaux à des rythmes plus soutenus avec beaucoup de changements de voiles… il a fallu faire le chemin inverse. »   

Ton premier tour du monde en solitaire 
« On y est ! J’ai vraiment hâte d’être sur la ligne de départ dimanche et de commencer cette aventure. Je crois que mes plus grandes interrogations viennent de moi-même. Comment je vais me comporter seul pendant 45 jours et plus, la fatigue, le stress, les moments difficiles car il va y en avoir c’est certain. La longueur est une inconnue. Il va se passer beaucoup de choses et il va falloir tenir. Cette course est un défi personnel très important. C’est un exercice très particulier que nous nous apprêtons à faire. Je pense qu’il y a des gens qui sont vraiment fait pour faire ça. Mais tu ne le sais pas tant que tu ne l’as pas fait. Je saurai répondre à cela dans j’espère une cinquantaine de jours. Le tour du monde ce sont aussi les mers du Sud. Nous devrions y passer une vingtaine de jours, dans le froid, isolés. Ce n’est pas le meilleur moment mais avec la vitesse de nos bateaux ça reste un moment relativement court. De toute manière, un tour du monde et encore plus en solitaire et en multicoque c’est une gestion différente. Le binôme que nous formons avec le Maxi Edmond de Rothschild est, je dirais, encore plus essentiel. C’est ensemble que nous traverserons ce périple. »   

L’Arkea Ultim Challenge - Brest : une première pour l’histoire !

Première course autour du monde en solitaire en ULTIM, l’Arkea Ultim Challenge - Brest regroupe un plateau de six marins : Anthony Marchand (Actual Ultim 3), Thomas Coville (Sodebo Ultim 3), Tom Laperche (Trimaran SVR - Lazartigue), Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI), Eric Peron (Ultim Adagio), Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild).   

Pour réaliser ce tour du monde d’Ouest en Est en passant par les trois grands caps emblématiques (Bonne Espérance en Afrique du Sud, Leeuwin en Australie et le Horn à l’extrême Sud de l’Amérique Latine), les ULTIM devront parcourir près de 22 000 milles théoriques (environ 40 000 km). Le temps de parcours est estimé entre 45 et 50 jours, soit un retour dans la rade brestoise aux alentours du 20 février. 

Le départ sera donné le 7 janvier à 13h30.